Ronan Journoud Avocats

Loi sur les influenceurs: guide pratique complet

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La « Loi pour encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » a été publiée au Journal officiel le 10 juin 2023. Elle avait été adoptée définitivement par le Parlement le 1er juin.

Cette loi vise à poser un cadre pour protéger les consommateurs des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Comment cette loi compte lutter contre certaines dérives et arnaques ? Comment les influenceurs doivent s’organiser pour agir en règle ? Quelles nouvelles obligations et interdictions s’imposent à eux ?

Eléments de réponse ci-dessous.

Une définition de l’influenceur est créée

La loi apporte une définition bienvenue d’un « influenceur ». En effet, sont considérés comme des influenceurs les personnes qui remplissent trois conditions. Il s’agit des personnes:

  • qui « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience »
  • « pour communiquer » en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque »
  • contre rémunération ou avantages en nature  (Article 1).

L’activité d’agent d’influenceurs (mise en relation des influenceurs avec les marques) est également définie juridiquement. Sera considéré comme un agent celui dont l’activité consiste:

  • « à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale […] et, le cas échéant, leurs mandataires, …
  • dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque » (Article 7).

Ils doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent. Ils doivent également éviter les situations de conflit d’intérêts et garantir la conformité de leur activité à la loi.

Obligation de passer des contrats écrits au-delà de certains seuils 

Les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs devront passer des contrats écrits au-delà d’un certain seuil de rémunération ou d’avantages en nature qui sera défini par décret (Article 8).

Ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires :

  • Les informations relatives à l’identité des parties, à leurs coordonnées postales et électroniques ainsi qu’à leur pays de résidence fiscale ;
  • La nature des missions confiées ;
  • La rémunération de l’influenceur en numéraire ou les modalités de sa détermination, le cas échéant la valeur de l’avantage en nature ainsi que les conditions et les modalités de son attribution ;
  • Les droits et les obligations qui incombent aux parties ;
  • La soumission du contrat au droit français.

Responsabilité solidaire pour mieux indemniser les victimes

Afin d’indemniser d’éventuelles victimes, les parlementaires ont introduit le principe d’une responsabilité solidaire entre l’annonceur, l’influenceur et son agent.

La loi prévoit que « l’annonceur, son mandataire le cas échéant, et [l’influenceur] sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie » (Article 8).

De plus, les influenceurs résidant à l’étranger, c’est à dire hors de l’Union Européenne, la Suisse ou l’Espace Economique Européen, devront désigner un représentant légal dans l’Union européenne. Ils devront aussi souscrire une assurance civile dès lors qu’ils visent un public en France (Article 9).

La personne désignée est chargée de garantir la conformité des contrats. Elle doit répondre à toutes les demandes émanant des autorités administratives ou judiciaires compétentes (Article 9).

Règles pour protéger les enfants d’influenceurs

L’augmentation des cas et des scandales appelait une réponse du législateur. Ainsi, des mesures spécifiques viennent protéger les enfants influenceurs.

Il était déjà prévu qu’un enfant de moins de seize ans ne pouvait, sans autorisation administrative, être engagé pour la réalisation de certaines activités.

Les règles sur le travail des enfants Youtubeurs sur les plateformes de partage de vidéos sont étendues à toutes les plateformes en ligne. Cela inclut par exemple Instagram, Snapchat, Tiktok etc. (Article 2).

Les parents sont astreints à certaines obligations. En effet, ils devront signer un contrat avec les annonceurs. Ils devront aussi consigner une part des revenus générés par les enfants influenceurs.

Renforcement des obligations des plateformes en ligne

Les obligations des plateformes en ligne (Youtube, Tiktok…) sont renforcées (Article 10 à 12).

Elles devront proposer un bouton pour signaler les contenus illicites, traiter en priorité les notifications des signaleurs de confiance et retirer au plus vite ces contenus (Digital Services Act).

Interdiction de certaines publicités

Les influenceurs doivent respecter le cadre légal sur la publicité et la promotion des biens et des services (loi « EVIN », Code de la consommation, normes sur les produits gras, sucrés et salés, etc.).

De plus, elle interdit les publicités faisant la promotion (Article 4) :

  • de la chirurgie et la médecine esthétique ;
  • de certains produits et services financiers (notamment concernant les cryptomonnaies) ;
  • de l’abstention thérapeutique ;
  • des sachets de nicotine ;
  • des abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs, etc. ;
  • des animaux sauvages (sauf collaboration avec des zoos).

D’autres matières sont simplement encadrées, comme:

  • la publicité des jeux d’argent et de hasard pour protéger les enfants mineurs ; et
  • la promotion d’inscriptions à des formations professionnelles, notamment via le compte personnel de formation (CPF).

Plus précisément, concernant les cryptomonnaies, il est interdit pour les influenceurs de faire la promotion directe ou indirecte des produits et des services financiers suivants :

  • La fourniture de services sur actifs numériques à l’exception de ceux pour la fourniture desquels l’annonceur est enregistré ou agréé en tant que « prestataire de services sur actifs numériques » (PSAN).
  • Les offres au public de jetons (ou « ICO ») sauf lorsque l’annonceur a obtenu le visa non obligatoire de l’AMF ;
  • Les actifs numériques, à l’exception soit de ceux liés à des services pour la fourniture desquels l’annonceur est enregistré ou agréé en tant que PSAN ou qu’il n’ait pas besoin de l’être.

De nombreuses dérives ont été constatées dans la pratique du dropshipping (vente de produits contrefaits, absence de livraison). Les influenceurs seront responsables vis-à-vis des acheteurs. Ils ne pourront désormais plus rejeter la faute sur les plateformes de livraison comme cela a pu être le cas dans le passé.

Renforcement de l’information des abonnés

La mention « publicité » ou « collaboration commerciale » devra être affichée sur les contenus promotionnels des influenceurs.

La mention « images retouchées » ou « images virtuelles » lors de l’utilisation de filtres ou lors du recours à l’intelligence artificielle devra également apparaitre.

Les plateformes devront veiller à ce que les collégiens soit sensibilisés contre les contenus sexistes, la manipulation commerciale, les risques d’escroquerie en ligne et en faveur des outils mis à disposition par les plateformes pour signaler des contenus illicites.

Sanctions et contrôles

Les influenceurs qui violeraient les interdictions ou obligations posées par la proposition de loi, risqueront:

  • une peine de prison, jusqu’à 2 ans.
  • de fortes amendes, jusqu’à 300 000 euros.
  • une interdiction d’exercer.

Lorsque les autorités constatent un manquement ou une infraction ils peuvent enjoindre la personne concernée, sous astreinte si besoin, à se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite.

Les pouvoirs de la DGCCRF en matière d’astreintes et de mises en demeure prononcées à l’encontre des influenceurs sont renforcés. En effet, toute injonction prononcée peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximum de 3 000 euros mais ne pouvant au total excéder 300 000 euros (Article 13).

L’injonction mentionnée ci-dessus peut faire l’objet d’une mesure de publicité, sous astreinte de 150 euros par jours sans pouvoir dépasser 50 000 euros au total.

Les réseaux sociaux devront s’engager à collaborer avec l’État pour réguler le secteur de l’influence commerciale et favoriser l’information du public sur les droits et devoirs des influenceurs et de leurs agents (Article 15).

Nous sommes à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir concernant l’adoption et la mise en oeuvre de cette loi, et ses impacts à votre niveau.

Source

L. n° 2023-451, 9 juin 2023 : JO 10 juin 2023

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047663185

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