Ronan Journoud Avocats

Fiscalité des cryptomonnaies : régime des plus-values des particuliers

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Les investissements dans les cryptomonnaies connaissent depuis 2008 une croissance importante portée par une adoption de plus en plus massive.

L’apparition soudaine de ce secteur en innovation constante associée à une adoption massive du grand public fait contraste à l’apathie et aux tergiversation inhérentes au processus législatif. Ceci n’était peu propice à l’adoption rapide d’un cadre fiscal adapté.

Courant après le train, l’administration fiscale via ses instructions en 2014, la jurisprudence via ses décisions en 2018 puis le législateur à partir de 2019 se sont tour à tour saisis de la question. Elles ont souhaité apporter un cadre fiscal encore aujourd’hui obscur … même pour les fiscalistes chevronnés.

Introduction

La loi de finances pour 2019 a tenté d’apporter un cadre fiscal pour les particuliers réalisant des plus-values. Le souhait du législateur a été de prendre en considération:

  • le caractère décentralisé de ces actifs numériques et,
  • nombre élevé des échanges afin de ne pas freiner l’innovation.

Lorsqu’elles relèvent d’une pratique professionnelle, les plus-values de cessions d’actifs numériques, bitcoins ou autres cryptomonnaies, sont imposées au barème progressif au titre des bénéfices non commerciaux depuis le 01/01/2023.

En revanche, les gains occasionnels des particuliers bénéficient d’une fiscalité dédiée. La plus-value réalisée dans l’année est imposable à 30% si le total des cessions est supérieur à 305 euros. Ce taux inclut 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux.

Un champ d’application réservé aux non-professionnels

Jusqu’au 31/12/2022, l’activité consistant à acquérir des actifs numériques ou de droits s’y rapportant en vue de leur revente, et exercée par un contribuable à titre habituel et pour son propre compte, constituait une activité commerciale à déclarer au barème progressif dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Le caractère « habituel » résultait « de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations » sont réalisées. Cette appréciation pouvait être rapprochée des critères développés par la jurisprudence pour les opérations de bourse traditionnelles.

Ces dernières prenaient par exemple en compte:

  • nombre d’opérations,
  • montants en jeu,
  • moyens mis en œuvre,
  • niveau de formation,
  • complexité des opérations réalisées, etc.

Le secteur des actifs numériques se traduisent par une fréquence très élevée de transactions. Ainsi, les risques de requalification en tant que professionnel était élevée. Le dispositif a donc été aménagé par le législateur pour éviter de faire courir ce risque aux utilisateurs non professionnels.

Ainsi, à compter du 01/01/2023:

  • (i) les gains réalisés à titre professionnel sont considérés comme des bénéfices non commerciaux, comme les opérations de bourse et,
  • (ii) le critère de l’habitude a été abandonné. La qualification professionnelle ou non professionnelle est donc uniquement appréciée au regard des conditions de leur réalisation.

Un régime d’imposition marqué par l’existence d’un sursis d’imposition

Les plus-values sont taxées forfaitairement au taux de 30% selon la formule suivante :

Prix de cession – Prix total d’acquisition du portefeuille

x

Prix de cession / Valeur globale de ce portefeuille

Le prix de cession de la première occurrence est diminué des frais supportés par le vendeur lors de la cession. Cela inclut les frais de « gas », frais de plateforme, etc.

Il convient de prendre en compte la valeur globale de l’ensemble des actifs numériques détenus par les différents membres du foyer fiscal et ce, quel que soit leur support de conservation (plateformes d’échanges, y compris étrangères, serveurs personnels, dispositifs de stockage hors-ligne, etc.).

Cette formule de calcul vise à taxer les retraits partiels de cryptomonnaies à chaque fois que la valeur globale du portefeuille a augmenté.

Quant aux moins-values, celles de l’année sont exclusivement imputables sur les plus-values de cette même année (pas de report des moins-values les années suivantes).

Enfin, ce régime tire toute sa spécificité et son attrait à cause de l’existence d’un « sursis d’imposition ». Cela signifie qu’il n’y aura imposition qu’en cas de vente de cryptomonnaies contre:

  • (i) une monnaie ayant cours légal,
  • (ii) un bien ou un service, ou
  • (iii) un échange avec soulte d’actifs numériques dans certains cas.

Par conséquent, les vente d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques n’ont pas à être déclarées tant qu’un tel fait générateur d’imposition n’intervient pas.

Déclaration

Les redevables doivent procéder aux déclarations suivantes (or échanges bénéficiant du sursis d’imposition qui ne donnent pas lieu à déclaration):

  • Annexe n° 2086 : ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année :

Il s’agit des cessions réalisées par l’ensemble du foyer fiscal. Lorsque les cessions réalisées au cours de l’année sont exonérées (inférieures à 305€ au cours de l’année), le contribuable n’indique sur l’annexe que le prix de cession de chacune des cessions en détaillant les frais qu’il a supportés à l’occasion de chaque cession. Il retrace les éléments nécessaires à la détermination des plus ou moins-values : (i) prix de cession et frais supportés, (ii) prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques, (iii) valeur globale du portefeuille d’actifs numériques, (iv) montant de la plus ou moins-value réalisée au titre de cette cession.

  • Déclaration n° 2042 annuelle de l’impôt sur le revenu : montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année en case 3AN ou 3BN de la déclaration 2042-C;
  • Annexe n° 3916-bis (dans tous les cas – sursis d’imposition ou non) : références des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger.

Une personne est réputée détenir un compte d’actifs numériques lorsqu’elle en est titulaire, cotitulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique.

  • Amendes:
    • 750€ par compte non déclaré ou 125€ par omission ou inexactitude (dans la limite de 10 000€ par déclaration).
    • Exception: 1 500€ (au lieu de 750€) et 250€ (au lieu de 125€) lorsque la valeur vénale des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger est supérieure à 50 000€.

Et le minage / staking / Masternodes ?

Le minage est un procédé par lequel le mineur est rémunéré à chaque validation d’un bloc sur la base de la preuve de travail (PoW).

Le staking est un procédé similaire par lequel le propriétaire immobilise des tokens pour valider des transactions sur la base de la preuve d’enjeu (PoS).

Les masternodes est un procédé permettant la validation de la preuve d’enjeu. Le propriétaire est rémunéré grâce à des commissions.

Depuis un arrêt du Conseil d’Etat (26/04/2018), les revenus du minage (et par extension des masternodes) sont imposés au barème progressif dans la catégorie des BNC. Ils ne bénéficient pas du sursis d’imposition pas conséquent. Quant au staking il devrait être assimilé aux revenus provenant du minage. Ils devraient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (là encore, sans sursis d’imposition). Ce n’est pas sans poser de nombreuses difficultés pratiques (calcul des plus-values générées pour chaque récompense perçue).

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