Ronan Journoud Avocats

Cryptomonnaies: la fiscalité du play to earn

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Le modèle du « play-to-earn » (P2E) combine le jeu vidéo avec la blockchain et les cryptomonnaies. Il s’agit d’une innovation majeure dans l’industrie du jeu vidéo et de la finance décentralisée.

Cette activité permet aux joueurs de se divertir en jouant à des jeux tout en gagnant des récompenses en cryptomonnaies. Bien entendu, le divertissement s’arrête ici pour les joueurs, car qui dit revenu dit bien souvent taxation.

Cet article a pour vocation de dresser un panorama complet de la fiscalité du play-to-earn.

Définition

Qu’est-ce que le « play-to-earn » ?

Le « play-to-earn » est un modèle économique dans lequel les utilisateurs d’un service de jeu peuvent gagner des récompenses sous forme de cryptomonnaies. Ces cryptomonnaies peuvent prendre la forme de jetons utilitaires ou de jetons non-fongibles (ou NFT).

Ces récompenses peuvent provenir de diverses activités ludiques, telles que:

  • participer à des compétitions et des tournois,
  • mener à bien des quêtes spécifiques,
  • collecter et l’élever des entités virtuelles uniques revendables, etc.

Comment fonctionne le « play-to-earn » ?

Dans un jeu P2E, chaque joueur contribue à l’écosystème du jeu en participant activement à son économie. Les joueurs peuvent acquérir des actifs virtuels, les améliorer et les échanger. Ces actifs, souvent représentés par des NFT, sont uniques et la propriété est vérifiable grâce à la blockchain.

Cela signifie que, contrairement aux actifs dans les jeux traditionnels, ceux acquis dans un environnement P2E peuvent avoir une valeur en dehors du jeu lui-même.

Avantages du modèle « play-to-earn »

Les principaux avantages sont les suivants:

  • Récompenses tangibles : Contrairement aux jeux traditionnels où les récompenses restent dans le domaine virtuel, le P2E permet aux joueurs de gagner des actifs qui ont une valeur dans le monde réel.
  • Propriété des actifs : Les joueurs ont la propriété réelle de leurs actifs de jeu, ce qui change radicalement la dynamique de propriété dans l’industrie du jeu.
  • Inclusion financière : Pour de nombreux joueurs, notamment dans les pays en développement, le P2E offre une source de revenu potentiel et un accès à l’économie numérique.
  • Communautés engagées : Les récompenses tangibles contribuent à créer des communautés de joueurs plus engagées et motivées.

Quelle est la nature des récompenses perçues en matière de play-to-earn ?

Les récompenses touchées par les utilisateurs prennent généralement la forme:

  • de « jetons utilitaires » (ou « utility token »), ou
  • de « jetons non fongibles » (ou « NFT »).

La notion d’actif numérique

En raison de l’absence de qualification juridique propre, les jetons utilitaires et NFT doivent être analysés à l’aune de la notion d’actif numérique au sens du Code monétaire et financier, qui recouvre les jetons et les monnaies virtuelles.

Introduit à l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier, la définition des actifs numériques comprend:

  • Les jetons, c’est-à-dire:
    • « tout bien incorporel…
    • … représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits…
    • … pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » ;
  • les caractéristiques des instruments financiers. 

Cependant, sont exclus du régime mentionné ci-dessus, et donc de la notion de jeton » « utilitaires », ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 (i.e. les titres financiers comme les actions, titres de créance, les contrats financiers à terme et les bons de caisse). Typiquement, la « tokenisation » de biens immobiliers ou d’actions d’entreprise entrerait dans cette catégorie.

  • Les monnaies virtuelles, c’est à dire :
    • « Toute représentation numérique d’une valeur…
    • … qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique…
    • … qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie… ;
    • … mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange…
    • … et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. »

On le voit ici, les NFT ne sont pas clairement visés contrairement aux jetons utilitaires. La raison est simple. Lorsque le texte a été adopté en 2019, les NFT n’avaient pas été aussi largement adoptés par le grand public. Leurs caractéristiques propres ont donc été ignorées par le législateur.

L’application aux jetons utilitaires et aux NFTs

Les jetons utilitaires conférant en matière de play-to-earn l’accès à un service entreront logiquement dans la première catégorie de « jetons ». Ils pourraient être porteurs en pratique d’un droit de vote ou d’accès à un service en ligne.

En revanche, la qualification des NFTs est plus complexe pour deux raisons.

D’abord, les NFTs n’offrent généralement pas l’accès à un droit. Cela qui signifie qu’ils ne devraient pas être considérés comme des « jetons utilitaires ». En effet, ils n’offrent généralement pas l’accès à un service. Par ailleurs, s’ils donnent accès à un « bien », ce ne sera généralement pas le cas au sens juridique du terme. Bien souvent, les détenteurs sont juridiquement propriétaires du jeton, mais pas du bien sous-jacent.

Pour plus d’information sur ce sujet, retrouvez notre article: Etude sur les droits transmis avec les NFT

En second lieu, les NFT sont par essence non interchangeables. Ainsi, ils ne devraient pas pouvoir être considérés comme une monnaie virtuelle.

En définitive, les NFT pourraient être considérés comme de simples biens meubles incorporels et non des actifs numériques. Ils ne devraient cependant pas à ce stade pouvoir être qualifiés d’oeuvre d’art. Une intervention législative devra avoir lieu dans le futur.

En l’absence de clarification du législateur, il semblerait donc qu’aucune définition légale en vigueur ne correspondent pleinement à la notion de NFT. Une analyse au cas par cas sera nécessaire pour déterminer leur vraie nature (jetons, biens meubles incorporels, oeuvres d’art, etc.).

Quelle est la fiscalité des récompenses perçues en matière de play-to-earn ?

La fiscalité des revenus provenant du play-to-earn dépendra:

  • de la qualité des bénéficiaires (particuliers ou professionnels),
  • et de la nature des récompenses (jetons utilitaires ou NFT).

Une fiscalité distincte pour les particuliers et les professionnels

Lorsque l’activité consiste en la simple gestion d’un patrimoine financier, le régime d’imposition est bien distinct entre les professionnels et les non professionnels.

L’exercice de cette activité est considéré par l’administration fiscale comme à titre professionnel lorsque:

  • l’activité est exercée dans un but lucratif,
  • pour le propre compte du contribuable,
  • et (jusqu’au 31/12/2022) de manière habituelle.

Le caractère habituel de l’activité résulte « de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations » sont réalisées. L’appréciation du caractère habituel des cessions d’actifs numériques peut être rapprochée de ceux développés par la jurisprudence pour les opérations de bourse traditionnelles. Ces critères incluent le nombre d’opérations, les montants en jeu, les moyens mis en œuvre, etc.

Le critère de l’habitude avait pour conséquence de faire peser sur les particuliers un risque significatif de requalification en professionnels. Ainsi, ce critère a été abandonné depuis le 01/01/2023.

La fiscalité des récompenses perçues sous forme de jetons utilitaires

La loi de finances de 2019 prévoit que les transactions entre actifs numériques réalisées par les particuliers sont fiscalement neutres. Aucune imposition n’interviendra jusqu’à ce qu’ils soient échangés contre de la monnaie ayant cours légal ou utilisés pour l’achat de biens ou services. Dans ce cas, si un utilisateur vend ses jetons utilitaires, la plus-value réalisée sera soumise à une imposition forfaitaire de 30%.

Pour plus d’information sur ce sujet, retrouvez notre article: Fiscalité des cryptomonnaies: régime des plus-values des particuliers

En revanche, si la vente de ces tokens est effectuée de manière régulière, la plus-value sera imposée selon les règles des bénéfices non commerciaux. Toutes les transactions en actifs numériques sont imposables, et les gains nets seront soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

La fiscalité des récompenses perçues sous forme de NFT

Comme énoncé ci-dessus, la fiscalité du NFT dépendra de sa qualification juridique. Il pourrait être considéré comme un actif numérique, un bien meuble incorporel, ou autre comme une oeuvre d’art. Or, il est plus que probable que les NFT ne devraient pas être considérés comme des actifs numériques ou des oeuvres d’art.

Ainsi, seul le régime fiscal relatif aux biens meubles incorporels devraient pouvoir s’appliquer.

Dans cette hypothèse, la plus-value serait imposée au taux 36,2% (dont 19% au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux). Ce régime fiscal présente un certain avantage puisqu’il prévoit une exonération pour toute cession dont le montant est inférieur à 5 000 euros. Pour les cessions supérieures à ce montant, un abattement de 5% par an est prévu à partir de deux années de détention, ce qui entraîne une exonération totale au bout de 22 années de détention.

En revanche, chaque échange crypto-NFTs est susceptible de générer de l’imposition (e.g. l’achat d’un NFT en ETH constitue une cession imposable d’ETH). En effet, aucun sursis d’imposition jusqu’à la conversion en euros / dollars comme pour le régime des jetons utilitaires n’est applicable ici.

Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans vos problématiques fiscales concernant vos cryptomonnaies.

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