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Infirmant le jugement du tribunal de Nanterre, la Cour d’appel de Versailles a rejeté la demande d’un particulier tentant d’engager la responsabilité de sa banque au motif qu’elle avait manqué à son devoir contractuel d’information et de conseil en autorisant des transferts d’argent vers des plateformes de trading non autorisées.
Notamment, le contribuable soutenait que dans le contexte d’alertes mises en place par l’AMF, l’organisme Tracfin et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, la société Boursorama ne pouvait ignorer les risques d’escroquerie aux investissements sur les marchés des cryptomonnaies à cette époque et ne pouvait se retrancher derrière son ignorance.
Cour d’appel, Versailles, 16e chambre, 25 Mai 2023 – n° 22/04991
https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_VERSAILLES_2023-05-25_2204991#texte-integral
Table des matières
ToggleFaits
Dans cette affaire, Monsieur [T] est titulaire de plusieurs comptes auprès de la banque en ligne Boursorama depuis 2008. Il affirme avoir été démarché par deux sociétés de courtage non autorisées en France, FXO Bank et Option Direct, qui lui ont proposé d’investir dans des options binaires et du Forex sur leurs plateformes de trading en ligne. Monsieur [T] a investi un total de 291 815,40 euros entre juin et septembre 2015 par neuf virements sur des comptes contrôlés par ces deux sociétés de courtage, ouverts auprès de la banque britannique Barclays Bank PLC.
Après avoir effectué ces investissements et prétendument obtenu des premiers gains, Monsieur [T] n’a pas pu retirer les fonds investis ni les bénéfices générés, car ses interlocuteurs étaient injoignables et leurs sites internet avaient disparu. Il a constaté que les sommes confiées n’avaient pas été investies et a donc perdu l’intégralité de son investissement.
Procédure
Considérant que Boursorama est responsable de ses pertes en raison de manquements à ses obligations, Monsieur [T] a tenté de demander un remboursement à la banque et l’a finalement assignée en justice pour réparation de son préjudice.
Le tribunal judiciaire de Nanterre a rendu un jugement le 17 juin 2022, dans lequel il a :
- condamné Boursorama à payer à Monsieur [T] la somme de 87 244,62 euros en réparation de son préjudice financier, ainsi que 2 500 euros au titre des frais de procédure.
- rejeté la demande de Monsieur [T] de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Le tribunal avait écarté le manquement de Boursorama à ses devoirs d’information et de conseil, car la banque était considérée comme un prestataire de services de paiement et non un prestataire de services d’investissement. Cependant, le tribunal a jugé que Boursorama avait manqué à son devoir de vigilance en n’informant pas Monsieur [T] des anomalies apparentes liées aux virements effectués et en ne contribuant pas à la détection des flux financiers et à la sécurité des échanges économiques.
Boursorama a fait appel de ce jugement au motif qu’elle n’avait pas d’obligation d’information, de mise en garde ou de conseil envers Monsieur [T] dans le cadre de ces virements, mais qu’elle était simplement tenue d’exécuter les ordres conformément aux instructions données. Elle demande à la cour d’appel de la déclarer recevable et bien fondée en son appel. En contre-appel, Monsieur [T] demande à la cour d’appel de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des condamnations, qu’il souhaite voir augmenté à 232.652,32 euros.
Décision
La cour d’appel estime que Boursorama n’avait pas d’obligation d’information ou de conseil dans le cadre de la relation contractuelle avec Monsieur [T].
Elle rejette également l’application de l’obligation de vigilance prévue par le code monétaire et financier, car elle vise à détecter les opérations de blanchiment d’argent et non les intérêts particuliers des clients.
La cour considère néanmoins qu’il existait un devoir de surveillance limité de la part de la banque pour détecter les anomalies apparentes. Cependant, elle conclut que Monsieur [T] n’a pas réussi à démontrer que des indices évidents auraient dû amener Boursorama à douter de la légitimité des opérations effectuées. Elle estime également que Monsieur [T] a fait preuve d’imprudence en s’adressant à des sociétés de courtage non autorisées et en investissant toutes ses économies sans obtenir suffisamment d’informations.
En conséquence, la cour d’appel a infirmé le jugement rendu en première instance, à l’exception du rejet de la demande de préjudice moral de Monsieur [T]. Elle a débouté Monsieur [T] de son action en responsabilité contractuelle et de sa demande de dommages-intérêts. Elle condamne Monsieur [T] à verser à Boursorama la somme de 2 500 euros au titre des frais de procédure et le condamne aux dépens.
Cet arrêt montre, à ce stade, qu’il sera ardu pour les contribuables ayant perdu des fonds sur des plateformes de trading, que ce soit des cryptomonnaies ou des valeurs monétaires, d’engager la responsabilité de sa banque pour manquement à ses obligations contractuels d’information et de conseil.