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La fiscalité du minage de cryptomonnaies est l’une de celle qui a été clarifiée le plus rapidement ces dernières années. En effet, la question de l’imposition du minage de bitcoins s’est très vite posée. C’est à cette dernière qu’on répondu l’administration fiscale française et le Conseil d’Etat.
Table des matières
ToggleDéfinition
Le minage de cryptomonnaies consiste pour le mineur à fournir un service au réseau de la cryptomonnaie concernée en échange d’une récompense pécuniaire dans cette cryptomonnaie. Le service consiste à vérifier la validité des transactions intervenant sur le réseau. La validation d’un ensemble de transaction constituera un bloc. Ce bloc, une fois validé, sera ajouté à la chaîne. Le mineur sera récompensé pour le service fourni, soit son travail.
Le service peut être rendu par le mineur de différentes manières en fonction de la technologie de minage utilisée. Pour le Bitcoin, elle consiste à mettre à disposition du réseau une puissance de calcul informatique importante via du matériel informatique (le « minage » via le « proof of work »). Quant à d’autres comme l’Ethereum, elle consiste à immobiliser des cryptomonnaies sur un réseau (le « staking » via le « proof of stake »).
Pour l’administration fiscale, le minage de cryptomonnaies est défini comme « la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle ».
Nous nous focaliserons ici sur le « minage » via le proof of work et non le staking. En effet, la fiscalité du minage a été définitivement clarifiée par la jurisprudence et l’administration fiscale. Cela n’est pas tout à fait le cas pour le staking. Cependant, ces deux régimes devraient être identiques au niveau fiscal. En effet, le service rendu est de même nature, seule la manière étant différente.
Imposition en cas d’activité sans société
Le minage relève du régime des BNC
L’administration fiscale a dans un premier temps considéré que l’obtention de bitcoins par minage constituait une activité économique génératrice d’impôts. S’agissant de l’impôt sur le revenu, cela conduisait l’administration à imposer les gains dans deux catégories :
- les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) si l’activité était habituelle et
- les bénéfices non commerciaux (BNC) dans les autres cas.
Le Conseil d’État a part la suite définitivement tranché cette question. Selon lui, les gains relèvent de la catégorie des BNC s’ils sont « la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle » (CE, 26 avril 2018, n° 417809). Le minage est ainsi défini par la jurisprudence.
L’administration s’est rangée à cette décision par la suite dans sa doctrine administrative. Elle a intégré administrativement à sa doctrine BOFIP cette solution jurisprudentielle au BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40. Son paragraphe 1080, consacré aux actifs numériques, précise ainsi pour les activités de minage : « le résultat imposable tiré de cette activité est déterminé conformément aux règles de droit commun applicables aux bénéfices non commerciaux, étant précisé que la valeur d’acquisition retenue pour le calcul du résultat imposable est nulle lorsque les bitcoins ont été attribués gratuitement. »
Ainsi, le mineur est donc imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Il convient de souligner que le fait qu’il s’agisse d’une véritable exploitation ou d’un revenu ponctuel n’a pas d’incidence.
Les gains sont imposés au barème progressif…
Le résultat (recettes moins charges déductibles) sera imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
L’impôt est calculé progressivement en appliquant au revenu les taux présents dans le tableau suivant.
Fraction du revenu imposable (pour une part) | Taux d’imposition à appliquer sur la tranche |
Jusqu’à 11 294 € | 0 % |
De 11 295 € à 28 797 € | 11 % |
De 28 798 € à 82 341 € | 30 % |
De 82 342 € à 177 106 € | 41 % |
Supérieur à 177 106 € | 45 % |
… et assujettis dans certains cas à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
Pour les contribuables les plus aisés, une contribution exceptionnelle s’ajoute à l’impôt sur le revenu sous certaines conditions.
La contribution est calculée selon le barème suivant:
Fraction de revenu fiscal de référence | Taux pour une personne seule | Taux pour un couple soumis à imposition commune |
---|---|---|
Jusqu’à 250 000 € | 0 % | 0 % |
Entre 250 001 € et 500 000 € | 3 % | 0 % |
Entre 500 001 € et 1 000 000 € | 4 % | 3 % |
Plus de 1 000 000 € | 4 % | 4 % |
Prélèvements sociaux et cotisations sociales
Un travailleur non salarié s’acquitte également d’impôts, qui n’ont pas une nature sociale à proprement parler. Il s’agit de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Ils sont recouvrés par l’URSSAF. Les prélèvements sociaux s’élèvent à 9,7% (CSG : 9,2% et CRDS : 0,5%).
Par ailleurs, un travailleur non salarié doit s’acquitter de cotisations sociales (allocations familiales, les indemnités journalières, la maladie et la maternité, la retraite et l’invalidité/décès, etc.). Les taux de cotisations et contributions sont fixés par voie réglementaire (décrets, arrêtés. Ils s’appliquent sur une assiette de cotisations, correspondant au revenu du travailleur non salarié. Le revenu retenu pour le calcul des cotisations est le même que celui pris en compte pour l’impôt sur le revenu.
Deux régimes d’imposition sont applicables
Les contribuables qui perçoivent des bénéfices non commerciaux peuvent être placés sous deux régimes différents :
- le régime de la déclaration contrôlée, qui suppose la tenue d’une comptabilité et conduit à établir le
bénéfice imposable en fonction des frais et charges effectivement supportés. - le régime déclaratif spécial (« micro-BNC »), fondé sur un calcul forfaitaire des résultats imposables.
L’application du régime de la déclaration contrôlée peut être obligatoire à raison soit du montant annuel des recettes, soit de la nature de l’activité exercée. Le bénéfice non commercial imposable est celui qui est réalisé au cours de l’année civile (recettes moins dépenses). Les dépenses professionnelles déductibles sont celles qui ont été effectivement payées au cours de l’année d’imposition.
Le régime micro-BNC s’applique aux exploitants individuels dont le montant des recettes non commerciales de l’année précédente ou de la pénultième année n’excède pas 77 700 € hors taxe. Le bénéfice net est calculé par l’administration par application à ces recettes d’un abattement
forfaitaire représentatif de frais égal à 34 %, avec un minimum de 305 €.
Lorsque cette règle n’est pas respectée, le régime de la déclaration contrôlée est applicable de plein droit.
Obligations comptables et déclaratives
Déclaration contrôlée
Les contribuables soumis à la déclaration contrôlée doivent tenir une simple comptabilité de trésorerie.
Deux documents comptables doivent être tenus :
- un livre-journal servi au jour le jour, présentant le détail des recettes et des dépenses professionnelles,
- un registre des immobilisations et amortissements comportant les renseignements relatifs aux
éléments d’actif affectés à l’exercice de la profession
En plus de la déclaration d’ensemble n° 2042 de leurs revenus, les contribuables placés sous le régime de la déclaration contrôlée doivent souscrire chaque année une déclaration du résultat non commercial (bénéfice ou déficit) de l’année civile précédente. Un formulaire spécial n° 2035-SD, accompagné des annexes n° 2035-A-SD à 2035-G-SD regroupées dans le formulaire n° 2035-LIASSE-BNC-SD, est conçu à cet effet.
Micro-BNC
Les obligations comptables des contribuables placés sous le régime micro-BNC sont très allégées.
Ceux-ci doivent tenir et, sur demande du service des impôts, présenter un document enregistrant le détail journalier de leurs recettes professionnelles.
Les contribuables relevant du micro sont dispensés de produire une déclaration spécifique. Ils portent le montant des recettes annuelles et des plus-values ou moins-values réalisées au cours de l’année sur
la déclaration complémentaire à la déclaration annuelle des revenus (n° 2042 C Pro).
Imposition à l’impôt sur les sociétés
Il en ira va différemment si l’activité est exercée via une structure soumise à l’impôt sur les sociétés.
Dans ce cas, les règles des bénéfices industriels et commerciaux et de l’IS s’appliqueront bien entendu. À titre illustratif, on appliquera ainsi les règles prévues par le régime des BIC pour le rattachement des opérations à l’exercice, la notion de charge déductible, le mécanisme des provisions et dépréciations, la théorie de l’acte anormal de gestion…
Jusqu’à 42 500 euros, le taux de l’IS sera de 15% pour les PME. Au delà, le taux est fixé à 25%. En cas de distribution de dividendes, le bénéficiaire sera imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à 30%.
Il sera donc dans certains cas plus avantageux de structurer son activité en société, d’autant plus si les résultats ne sont pas entièrement distribués.
Autres taxes
Pas de TVA sur une activité de minage…
L’administration fiscale estime que le mineur est soumis à un « aléa » car il ne sera rémunéré que s’il parvient à valider le bloc. Pour cela, il doit résoudre un calcul mathématique.
Dès lors, il n’existe pas de lien direct entre le service rendu et le bien acquis.
L’administration fiscale en conclu en conséquence que l’activité de minage n’est pas soumis à la TVA.
… mais attention à la taxe sur les salaires !
Les entreprises soumises au paiement de la TVA sur moins de 10 % du chiffre d’affaires réalisé l’année avant le versement doivent payer la taxe sur les salaires en calculant un rapport d’assujettissement.
Les mineurs professionnels qui exercent en France doivent s’acquitter de la taxe sur les salaires au taux de 4,25 % dès lors qu’ils rémunèrent des salariés. Ce taux est porté à 8,50% pour la fraction du salaire brut annuel comprise entre 8 573 euros et 17 114 euros. Il s’élève enfin à 13,60% pour la fraction supérieure à 17 114 euros.
Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)
L’activité sera également soumise à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité.
Cette taxe nationale, créée en 2004 et reformée en 2021 concerne, depuis 2016, toutes les consommations d’électricité, à la fois des particuliers et des professionnels. Elle est acquittée par les fournisseurs d’électricité, sur la base de leurs livraisons d’électricité aux consommateurs, quelle que soit la puissance souscrite, et est prélevée directement sur leurs factures d’électricité. Le taux de cette taxe, qui revient à l’État, est fixé à 22,50 euros le mégawattheure (MWh) pour tous les fournisseurs.
Toutefois, si l’industrie est considérée comme électro-intensive, elle peut, sous conditions, bénéficier d’un tarif réduit. Ce taux réduit s’échelonne de 0,5 à 7,5 €/MWh, soit une économie minimum de 15 €/MWh par rapport au tarif plein.
Pour cela, la société doit :
- Exploiter une installation au sein d’un site ou d’une entreprise ;
- Consommer de l’électricité pour un montant de TICFE supérieur ou égal à 0,5 % de sa valeur ajoutée ;
- Présenter un caractère industriel, c’est-à-dire exercer une activité relevant des sections B, C, D et E de l’annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007.
Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans vos problématiques relatives à la fiscalité du mining.