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Thomas Cazenave (Ministre délégué aux Comptes publics de France) poursuit la multiplication des outils de lutte contre la fraude fiscale. Cette volonté avait été initiée par son prédécesseur Gabriel Attal (désormais Premier Ministre).
Le Gouvernement prévoit de doter les administrations fiscales de nouveaux outils en 2024 par diverses mesures récapitulées ci-dessous.
L’intelligence artificielle sera notamment utilisée via le datamining.
Table des matières
ToggleRenforcement des contrôles fiscaux
Augmentation des contrôles fiscaux
Gabriel Attal avait annoncé le 9 mai 2023 une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale et douanière. Il s’agissait d’un premier volet de la feuille de route gouvernementale de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques.
En matière de contrôle fiscal, le nombre de contrôles fiscaux des particuliers augmentera de 25 % d’ici 2027.
Les effectifs du contrôle fiscal seront augmentés de 15 % d’ici la fin du quinquennat, soit 1500 ETP supplémentaires. Les effectifs de la police fiscale seront doublés dès 2025, soit 40 ETP supplémentaires. 100 ETP seront redéployés sur le contrôle douanier du e-commerce d’ici 2025. Enfin, un grand plan d’investissement de 100 M€ dans les moyens du renseignement économique et financier fera de la lutte contre la fraude une priorité opérationnelle de l’action de la communauté du renseignement.
Les sanctions seront durcies à l’égard des fraudeurs. Cela concernera les « les fautes les plus graves » pour lesquelles une « sanction d’indignité fiscale et civique » pourra être prononcée. Elle prendra la forme d’une privation de réduction ou crédit d’impôt (comme adopté dans la loi de finances pour 2024 votée en décembre 2023). La privation du droit de vote « pendant une certaine durée » est envisagée également.
Pour les petits contribuables et patrons, le gouvernement privilégie la massification des régularisations plutôt que les contrôles. Il souhaite instaurer « une remise de pénalité automatique pour la première erreur ».
Utilisation de nouveaux outils
Recours au datamining et à l’IA
Qu’est-ce que le « datamining » ? C’est un processus automatisé permettant le traitement de quantités de données colossales.
L’objectif est le suivant:
- en premier lieu identifier des relations entre les données et
- faire une première estimation des tendances sous forme de modèles.
De l’analyse de ces données sort des descriptions, des prédictions ou des associations. Ces associations fait font ressortir des corrélations et permettent de repérer plus rapidement les profils susceptibles de fraudes fiscales.
L’application utilisée est dénommée « Galaxie ». Elle permettra de visualiser les liens entre les professionnels à partir des numéros de téléphone, données électroniques, bancaires et fiscales. Pour les particuliers, il s’agira de données personnelles relatives aux dossiers fiscaux et aux liens entre associés.
Le datamining et l’IA pour exploiter massivement les données
L’administration fiscale développe donc l’utilisation de l’intelligence artificielle pour renforcer les contrôles fiscaux. Elle souhaite s’appuyer davantage sur les progrès de l’intelligence artificielle pour explorer les données publiées directement par les contribuables en vue d’améliorer le ciblage des contrôles fiscaux.
Depuis 2014, elle recourt déjà à un traitement automatisé de données dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ». Cet outil vise à décloisonner les données de l’administration en exploitant diverses bases existantes (déclarations fiscales, cadastre, etc.). Expérimental dans un premier temps et limité aux entreprises, le CFVR a été étendu aux particuliers puis pérennisé en 2019.
Le recours au datamining pour la programmation des contrôles fiscaux des particuliers sera porté au même niveau que les entreprises. Il sera utilisé dans 50% de la programmation des contrôles et 100 000 dossiers de personnes physiques traités d’ici 2027.
Afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et douanière, les deux administrations de Bercy concernées sont autorisées depuis le 1er janvier 2020 et à titre expérimental à collecter et à exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés les contenus librement accessibles publiés sur Internet par les utilisateurs des réseaux sociaux et des plateformes en ligne de commerce et de fourniture de services afin de détecter les comportements frauduleux.
Augmentation des transmissions Tracfin
Enfin, le concours de Tracfin, la cellule de renseignement financier française, à la lutte contre la fraude sera consolidé. Au moins 1 000 transmissions seront réalisées chaque année dans son domaine.
Création d’une cellule de renseignement fiscal
Une cellule de renseignement fiscal sera créée.
Elle mobilisera les techniques de renseignement prévues par le code de sécurité intérieure pour la recherche et la prévention des fraudes fiscales les plus complexes et les plus graves. Seront utilisées les techniques de renseignement comme « les écoutes, la captation de données, la pose de balises ».
Ces moyens seront dirigés contre les situations dans lesquelles les outils actuels du contrôle fiscal sont freinés. Par exemple, sont visées la dissimulation d’avoirs à l’étranger dans les paradis fiscaux et les entités opaques comme les trusts, le recours à des cabinets de défiscalisation et l’optimisation abusive des grandes multinationales. Des agents expérimentés opéreront dans cette cellule hébergée au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).
Le plan contre la fraude : 35 mesures autour de 5 axes prioritaires
La feuille de route gouvernementale en matière de lutte contre l’ensemble des fraudes comprend 35 mesures articulées autour des cinq grands axes suivants :
- S’adapter aux enjeux numériques
- Sanctionner plus justement et plus fortement
- Mieux lutter contre les fraudes à l’international
- Agir plus collectivement pour être plus efficaces
- Approfondir la relation de confiance pour les usagers de bonne foi
S’adapter aux enjeux numériques
L’objectif est d’abord d’adapter les outils numériques de détection. Elle souhaite exploiter pleinement la facturation électronique pour lutter contre les fraudes fiscales, généraliser l’accès par les organismes sociaux au fichier des comptes bancaires ou encore améliorer la capacité des services à contrer le recours aux actifs numériques dans la fraude et son blanchiment.
Il est prévu ensuite d’améliorer le traitement des fraudes commises en ligne. Pour cela, elle veut responsabiliser les plateformes du e-commerce, déployer des contrôles douaniers, assujettir l’activité de dropshipping à la TVA en France, ou encore retenir à la source les cotisations sociales des micro‑entrepreneurs ayant recours à des plateformes numériques.
Sanctionner plus justement et plus fortement
Il est prévu la création d’un dispositif interministériel de lutte contre les fraudes aux aides publiques (base de RIB frauduleux, création de sanction administrative ad hoc pour agir rapidement et dissuader en cas de fraude aux aides publiques, etc.).
Il est également prévu des outils pour améliorer les outils de prévention et de contrôles en matière de fraude sociale (notamment modernisation de la carte vitale ou lutter contre la non déclaration des décès à l’étranger pour éviter la suspension du versement des pensions de retraites) ou renforcer les sanctions (demander aux professionnels de santé de rembourser les cotisations sociales prises en charge par l’assurance maladie en cas de fraude, garantir une réponse pénale exemplaire en cas de fraude fiscale délictuelle).
Mieux lutter contre les fraudes à l’international
Il est prévu d’accéder au fichier PNR sur les données de voyage pour mieux repérer la fraude à la résidence sociale et fiscale. Par ailleurs, il est envisagé d’harmoniser à neuf mois par an la condition de résidence en France pour l’accès aux prestations sociales (hors pensions).
Le recours au renseignement pour détecter la fraude fiscale grave, notamment internationale, et identifier les intermédiaires qui l’organisent, est mis sur la table.
Par ailleurs, comme c’est déjà le cas, l’adoption d’une stratégie nationale en matière d’échanges internationaux pour promouvoir la lutte contre l’opacité de détention patrimoniale au plan international sera mise en oeuvre.
Agir plus collectivement pour être plus efficaces
Bercy souhaite renforcer la capacité de judiciarisation des fraudes aux finances publiques en transformant le Service d’Enquêtes Judiciaires des Finances en Office National Anti-Fraude aux finances publiques avec des compétences étendues
Le gouvernement veut (i) améliorer le partage d’informations entre les services de lutte contre les fraudes, (ii) repenser la coopération opérationnelle entre la DGFiP, la DGDDI et les URSSAF dans de nouveaux partenariats d’ici 2024 et enfin (iii) renforcer la coopération entre l’assurance maladie et les complémentaires santé.
Approfondir la relation de confiance pour les usagers de bonne foi
Enfin, pour contrebalancer, des mesures sont prévues pour continuer l’amélioration des relations entre l’administration fiscale et les contribuables. Il est souhaité le renforcement de l’accompagnement des entreprises en matière fiscale et une régularisation équitable des erreurs commises en matière fiscale.
Nous sommes à votre entière disposition pour vous assister sur ces sujets et à toute vos questions.