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De nombreux jeux proposés sur internet intégrant une dimension « crypto » offrent la possibilité de dépenser de l’argent ou des cryptomonnaies. Le participant espère en contrepartie gagner un lot ou une somme d’argent.
La question prioritaire et fondamentale que les porteurs de projets doivent se poser est la suivante. Est-ce que le projet constitue un jeu prohibé par la législation en vigueur sur les jeux d’argent et de hasard ?
Table des matières
ToggleLe principe: prohibition des jeux d’argent et de hasard
La justification de cette interdiction de principe est double pour les autorités. En effet, ces jeux sont susceptibles de générer (i) un risque d’addiction des joueurs et (ii) un risque de blanchiment d’argent via les jeux d’argent.
Les principes cardinaux à ce jour sont les suivants:
- L’organisation des paris payants est interdit en France. Aucun bookmaker légal excepté pour les paris sportifs/hippiques:
- PMU et FDJ sur et hors internet.
- opérateurs de paris sportifs et hippiques agréés par l’ANJ seulement sur internet.
- L’organisation de parties de poker avec de l’argent réel est interdit en France. Exception:
- Dans les casinos et 7 clubs de jeux parisiens tous hors internet.
- Chez les opérateurs de jeux sur internet agréés par l’ANJ.
- Organiser des jeux de casinos (machines à sous, roulette) est interdit en ligne mais légal dans les casinos physiques sur autorisation administrative.
- Organiser des loteries payantes est interdit sauf pour la FDJ hors et sur internet (sauf exceptions légales).
Les sanctions sont les suivantes :
- 3 ans de prison et 90 000 euros d’amendes
- Peines complémentaires pour les personnes morales ou en cas de caractérisation d’un délit de blanchiment du produit des jeux illégaux.
Dans certaines hypothèses, le joueur peut éventuellement devenir « complice », « recéleur » et risquer des poursuites.
Les mineurs sont interdits de jeux d’argent, même lorsqu’ils sont gratuits, sauf :
- Pour les loteries publicitaires.
- Les jeux dans les fêtes foraines.
- Les lotos traditionnels.
- Les loteries caritatives.
- Les compétitions de jeux vidéo.
Les conditions d’assujettissement à la législation sur les jeux d’argent et de hasard
La définition légale des jeux d’argent et de hasard est la suivante (L 320-1 CSI).
« Toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants ».
Il s’agit de trois conditions cumulatives.
Il convient de noter que la présence du « hasard » était une 4e condition avant 2014 pour interdire un jeu d’argent. Mais ce n’est plus, en principe, un élément rentrant en ligne de compte depuis 2014.
Première condition: l’espérance d’un gain pour un joueur
Il doit y avoir un aléa dans lequel réside le caractère addictif: sans aléa, il ne s’agit plus d’un jeu de hasard mais de l’achat d’un bien ou d’un service.
Le gain doit être évaluable et convertible en argent, c’est à dire en valeur monétaire (e.g. rencontrer une célébrité est un gain ayant une valeur monétaire): sans gain, le jeu est légal.
Est-il par exemple possible de proposer aux gagnants des parties gratuites, points virtuels, monnaie de jeux, nouveaux pouvoirs, meilleur classement, etc. ? Cela ne devrait pas être possible si l’avantage espéré par le joueur est un équivalent financier dans le jeu (monnaie officielle, monnaie virtuelle ayant une valeur financière comme les crypto , etc.).
Le cas de « loot boxes » (contenant des bonus aléatoires) est également intéressant. Ils devrait être interdits sauf si le joueur ne peut en retirer aucun profit économique direct.
Ainsi, le jeu sera illégal dans le cas où les trois conditions suivantes sont remplies:
- des paiements des joueurs dans le cours du jeu pour obtenir les Loot Boxes ;
- un gain aléatoire qui revient à introduire un mécanisme aléatoire dans un jeu vidéo ;
- la possibilité de revendre en monnaie réelle les gains remportés sur le site de jeu.
Deuxième condition: le caractère public de l’offre
En pratique, si le site de jeu est accessible au public, le jeu d’argent est illégal. Seules des parties entre amis proches dans un cadre purement privé sont légales.
Le fait de proposer le jeu à un groupe limité de personnes sur la base d’un abonnement, d’une inscription préalable, ou dans le cadre d’un « cercle privé » avec parrainage n’est pas susceptible de transformer l’opération en une offre « à titre privé ». C’est donc interdit.
De même qu’organiser des parties de poker à son domicile n’est pas suffisant. L’ensemble de l’organisation du jeu doit avoir lieu entre des amis proches (Cass, crim, 27 juin 2018, n° 17-83.216)
Troisième condition : le sacrifice financier de la part du participant
Sauf s’il est proposé à un mineur, un jeu d’argent gratuit pour le participant est en principe légal.
La notion de sacrifice « financier » est large, et recouvre les réalités suivantes :
- Le sacrifice financier du joueur réside dans son paiement et dans l’obligation d’achat de crédits pour participer au jeu ou pour continuer à y participer (Cass. civile, com., 20 janvier 2015, n°13-28.521).
- Le sacrifice financier peut recouvrir différentes formes (monétaire, biens meubles ou immeubles) : achat d’un bulletin de participation, une mise de NFT, achat d’un ticket, de crédit, un abonnement préalable, etc.
- Peu importe le montant : une mise de quelques centimes est suffisante pour interdire le jeu.
- Pas nécessaire que le joueur perde globalement de l’argent: il suffit qu’il doive participer financièrement pour jouer, même s’il gagne globalement dans le processus du jeu.
- Le fait de demander un paiement ou une « avance », mais de proposer un remboursement ultérieurement des frais de jeu ne rend pas plus le jeu légal.
- La confusion entre le jeu publicitaire et un service distinct payant ne protège pas l’organisateur (ex: dépenses pour jouer permettant d’acheter du temps de connexion – Cass. 28 mai 2014, N°13-83759).
Il devrait être envisageable de financer le jeu d’argent et de hasard gratuit par la publicité, souvent en collectant des données personnelles du consommateur. Cependant, cela ouvre le débat en cours sur la détermination de la valeur des données.
Les autorités de régulation du marché des jeux d’argent en France
Le pouvoir de régulation du marché des jeux d’argent est principalement confié à l’Autorité nationale des jeux (ANJ).
En pratique, l’agrément suppose de coûteux investissements du fait des exigences de la loi française. Les contraintes réglementaires sont fortes pour les opérateurs agréés.
Les CGU, CGV et règlement de jeux étant des contrats d’adhésion, la législation sur les clauses abusives est pleinement applicable.
La lutte contre les sites illégaux est principalement confiée à l’ANJ, et de manière résiduelle à la DGCCRF:
- Procédure administrative (et non plus judiciaire depuis avril 2022, trop lente) de blocage
- Procédure:
- l’ANJ envoie une première série de mises en demeure aux sites illicites d’avoir à fermer leurs accès aux résidents français.
- Si jamais cette première mise en demeure est sans résultat, l’ANJ peut maintenant demander directement aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) et autres intermédiaires de bloquer l’accès aux sites illicites.
Plus rarement, les sites de jeux illicites, le plus souvent basés hors du territoire français, font l’objet de véritables poursuites pénales.
Autres conséquences juridiques
Une fois la question de la légalité de l’opération en droit des jeux réglée, des questions plus opérationnelles se poseront, par exemple :
- La rédaction des Conditions Générales d’Utilisation ou de Vente (CGU ou CGV) du site et/ou la rédaction du règlement de jeu par application du droit civil et du droit de la consommation ;
- Les mentions légales obligatoires du site internet ou de l’application (identification de l’éditeur) ;
- Le respect de la loi informatique et libertés et la rédaction d’une charte vie privée ;
- La réglementation sur le blanchiment d’argent (articles L.561-36 et L.561-36-2 du CMF) ;
- La fiscalité des jeux;
- La propriété intellectuelle sur le jeu ainsi que le droit aux paris afin de pouvoir légalement proposer des paris sur des évènements sportifs: les caractéristiques du jeu peuvent être protégées, sous certaines conditions, sur le terrain du droit d’auteur, du droit des marques et de la concurrence déloyale et du parasitisme.
- La mise en place et le respect des contrats avec les prestataires techniques intermédiaires.
Fiscalité des jeux d’argent et de hasard
Il faut distinguer la situation des joueurs professionnels de bridges et de poker des autres joueurs :
- Joueurs professionnels de bridges et de poker, joueurs de e-sport et de Black Jack :
- Imposables au titre des bénéfices non commerciaux.
- Les critères sont les suivants (CAA Paris, 7 février 2017 au sujet des gains au poker; CE, 8 ch., 17/11/2021, 445981):
- (i) possibilité par le joueur de maîtriser au moins partiellement le hasard selon la nature du jeu, et
- (ii) d’autre part le caractère professionnel de l’activité du joueur en se fondant sur plusieurs indices, par exemple l’investissement en temps et en argent du joueur, le niveau et la part des gains de jeux par rapport à la rémunération totale du joueur.
- Autres joueurs :
- la pratique même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, roulettes, tombolas, paris sportifs et hippiques ne donne pas lieu à imposition.
Il faut également tenir compte de l’obligation de déclarer ses comptes bancaires à l’étranger en application de l’article 1649 A, al. 2 du CGI pour les personnes physiques et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France. Chaque compte doit faire l’objet d’une déclaration distincte (voir formulaire n° 3916-3916 bis).
Nous sommes à votre entière disposition pour vous assister sur ces sujets et répondre à toute question que vous pourriez avoir.
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