Ronan Journoud Avocats

Cryptomonnaies: la fiscalité du staking en 2024

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Le traitement fiscal des récompenses perçues au titre du staking de cryptomonnaies en France est un sujet complexe et incertain. Pourtant, les enjeux sont importants pour les contribuables. En effet, les conséquences fiscales pour ces derniers pourraient s’avérer explosives en cas de contrôles fiscaux.

Définition du staking

En effet, le staking bénéficie d’une popularité croissante ces dernières années.

En substance, un détenteur de cryptomonnaies va prêter à une plateforme ces dernières et en perdra la libre disposition pendant une certaine période (plusieurs jours par exemple). Cependant, il en garde la propriété.

L’immobilisation de ces cryptomonnaies permet de sécuriser et valider les transactions opérées sur la blockchain concernée. En contrepartie, le détenteur est rémunéré pour le service apporté. Il touchera une récompense pour staking à chaque fois qu’il remporte la validation d’une transaction.

Le montant de la rémunération fluctue en fonction du nombre de participants, de la durée de l’immobilisation ou du volume.

Par conséquent, cette opération se rapproche in fine davantage de la fourniture d’un service en l’échange d’une rémunération, que l’immobilisation d’un capital en échange d’un rendement financier. Cependant, il s’agit de la fourniture d’un service assez particulier. En effet, le détenteur de cryptomonnaie est passif à l’instar d’un prêteur ou d’un investisseur boursier.

Régime fiscal des différents types de revenus

Depuis la loi Pacte de 2019, les plus-values générées sur les cryptomonnaies sont soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30%. Il se décompose en un taux de 12,8 % (impôt sur le revenu) et 17,2 % (prélèvements sociaux).

On considère qu’il y a une cession imposable dès lors qu’il y a un transfert de propriété. Le transfert intervient lorsque le particulier se dessaisit de son actif numérique au profit d’un tiers, i.e. cession contre une monnaie légale comme l’euro, contre un bien ou un service, etc. Par exception, les échanges d’actifs numériques entre eux (par exemple un « achat » d’Ethereum au moyen de Bitcoins) constituent des opérations intercalaires fiscalement neutres (régime dit de « sursis d’imposition »). Par conséquent, la plus-value potentielle ne donne ni lieu à déclaration, ni lieu à imposition.

Il en va très différemment pour les autres types de revenus.

En effet, lorsque l’actif numérique est acquis en contrepartie d’une activité, le gain d’acquisition est imposable dans la catégorie correspondante. Il s’agit des catégories de droit commun : traitements et salaires s’il s’agit d’une rémunération dans le cadre d’une relation de travail subordonnée, bénéfices non commerciaux (BNC) ou bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en fonction de la nature du service rendu.

Régime fiscal du staking

La rémunération perçue sous forme d’actifs numériques à raison de la participation à la création ou au
fonctionnement de la « blockchain » (notamment l’activité dite de « minage ») est également imposable
dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Le Conseil d’Etat a en effet jugé, en 2018, que « les gains issus d’une opération de cession, le cas échéant unique, d’unités de « bitcoin » sont ainsi susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils […] sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle » (Conseil d’Etat, 26 avril 2018, n° 417809).

Sont ici clairement visées les récompenses perçues au titre des activités de mining. En revanche, ne sont pas explicitement visées celles reçues au titre d’une activité de staking.

Or en pratique, ces deux activités sont identiques. En effet, elles consistent à participer au fonctionnement du réseau et être rémunéré en contrepartie. Seule diffère la technologie utilisée pour valider les transactions (preuve de travail versus preuve d’enjeu).

Cependant, dans les faits est-il possible de considérer qu’il s’agit d’une réelle activité dans la mesure où les détenteurs de cryptomonnaies sont totalement passifs, à l’instar d’un prêteur ou d’un investisseur boursier ? L’impact est très considérable. En effet, en l’absence d’application du régime du sursis d’imposition, toute réception de récompenses de staking (qui sont souvent journalières) entrainera de facto une imposition en équivalent euro au cours du jour de réception.

En conséquence, contrairement aux plus-values qui sont imposables que lorsqu’il y a transfert de propriété (en euro par exemple), les récompenses de staking seraient imposables dès réception même en l’absence de conversion en euro.

Cadre fiscal actuel

La distinction faite par le Conseil d’Etat le 26 avril 2018 a été reprise par le législateur par la loi de finances de 2019, qui distinguent clairement les plus-values (régime des plus-values de cession d’actifs numériques), des gains de minage (BNC) et des gains issus de l’activité d’achat-revente a titre habituel (BIC).

Un amendement du projet de loi de finances pour 2024 a provoqué pendant plusieurs semaines une levée de boucliers de la part des contribuables et des acteurs de l’écosystème des cryptomonnaies en France.

L’amendement proposait de légaliser la solution jurisprudentielle dégagée par le Conseil d’Etat les décisions du 26 avril 2018 mentionnées ci-dessus. Les bénéfices issus des activités de participation directe ou indirecte à la validation des transactions d’actifs numériques relèveraient des BNC.  

Outre le mining, déjà clairement visé par le Conseil d’Etat en 2018, il clarifie l’application du même régime au revenus générés par le staking ou masternode.

Selon cet amendement, la perception de rétributions pour ce type d’activités s’apparente non pas à une opération de cession d’actif, mais à la perception d’un revenu. Par conséquent, le fait générateur de l’imposition de ces activités devrait se situer à la perception de la rétribution. Et ce, quelle qu’en soit la forme, en application du droit commun de l’impôt sur le revenu. 

Cependant, contre toute attente, l’amendement a été rejeté. Par conséquent, la fiscalité sur le staking reste inchangée en 2024.

Conclusion

Les conséquences pratiques n’en restent pas moins très limitées. En effet, en réalité cette proposition n’était qu’une clarification des règles déjà en vigueur car la taxation du staking ne fait guère de doute. Ainsi, le régime des BNC devrait s’appliquer.

La question cruciale réside dans le fait générateur de l’imposition: la perception du revenu ou la cession.

Pour l’écrasante majorité des contribuables de l’écosystème, le staking ne devrait pas être un fait générateur d’impôt. Tout simplement car ils n’en bénéficient pas immédiatement.

Par ailleurs, la rémunération versée en contrepartie de l’immobilisation de ses jetons est souvent quotidienne. Il est donc impossible pour le contribuable de suivre chaque jour la perception des cryptomonnaies pour les convertir en euros.

C’est la raison pour laquelle ils appliquent le régime des plus-values et s’octroie le bénéfice du sursis d’imposition. Chaque récompense reçue vient augmenter leurs portefeuilles en cryptomonnaies. L’imposition interviendra au moment de la cession de ces cryptomonnaies contre des euros.

Enfin, les cryptomonnaies sont par essence très volatiles. Il est possible en cas de forte baisse entre la perception du revenu et la vente en euros que le contribuable n’ait plus les disponibilités pour régler son imposition en euros.

Cette dernière situation est très fréquente, notamment en raison de la succession de marchés haussiers et baissiers inhérentes au secteur. Si l’administration fiscale venait à redresser, dans le cadre d’un contrôle fiscal, un contribuable ayant perçu de très importantes sommes de staking lors d’un marché haussier, ce dernier serait ruiné s’il n’a pas converti régulièrement ses revenus en euros ou en stabecoin et que l’actif concerné s’est effondré par la suite.

Nous sommes à votre entière disposition pour vous assister sur ces sujets et à toute vos questions.

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