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Le Conseil d’Etat a récemment jugé que le gain réalisé par un dirigeant salarié lors de la levée d’une option d’achat et vente d’actions est imposable, non comme un complément de salaire, mais comme une plus-value de cession mobilière s’il ne trouve pas essentiellement sa source dans les fonctions exercées.
CE, 8e et 3e ch., 5 juin 2023, n° 467546, M. H.
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M. B… était le directeur financier d’une société appelée Mécatherm, qui a fait l’objet d’une opération de rachat via un LBO en 2006 par le groupe Alpha.
A l’issue de cette opération, le capital de la société Oslau, holding de reprise de la société Mécatherm, se partageait entre:
- le groupe Alpha, actionnaire majoritaire à hauteur de 57,14 %, et
- l’équipe de direction, à hauteur de 42,86 %, dont 2,57 % pour M. B….
En 2008, le groupe Alpha a éconduit une marque d’intérêt d’une société tierce qui aurait conduit à valoriser les titres de la société Oslau à plus de 12 euros par action. Le groupe Alpha a consenti alors à M. B… une promesse d’achat lui garantissant un prix de rachat minimum de 10,18 euros pour 43 243 des 231 273 actions qu’il détenait.
La société Oslau ayant été revendue le 4 octobre 2011 à la société Hirvest 6 pour un prix de 1,75443 euros par action, M. B… a alors cédé l’ensemble de ses actions à ce prix, à l’exception des 43 243 titres couverts par la promesse d’achat du 1er avril 2008, qui ont été rachetés par le groupe Alpha au prix unitaire de 11,63 euros, résultant de l’application de cette promesse.
Procédure
Le litige portait sur les modalités d’imposition du gain réalisé à cette occasion.
A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration a considéré que les sommes ainsi acquittées par le groupe Alpha devaient être regardées comme une rémunération occulte taxable entre les mains de M. B… sur le fondement du c de l’article 111 du code général des impôts, et non, comme déclaré par celui-ci, comme une plus-value de cession en l’occurrence exonérées en tant que plans d’épargne en actions.
Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B… de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ce qui a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Nancy.
M. B… a contesté cette décision devant le Conseil d’État.
Décision
Principes dégagés par le Conseil d’Etat
Selon le Conseil d’Etat, la circonstance que des options d’achat ou de vente d’actions ont été acquises à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition peut être de nature à révéler l’existence d’un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur.
Simplement, il rappelle que cet avantage doit trouver essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié pour avoir le caractère d’un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l’année d’acquisition des options dans la catégorie des traitements et salaires.
Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l’exercice de ces options.
Pour le Conseil d’Etat, lorsqu’un contribuable exerce une option de vente d’actions qui lui a été consentie, l’écart entre le prix de vente de ces actions et leur valeur réelle à la date de levée de cette option constitue un gain en principe imposable suivant le régime des plus-values de cessions de valeurs mobilières.
Toutefois lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, un tel gain constitue un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires.
Motifs d’espèce
Au cas d’espèce, la promesse d’achat accordée le 1er avril 2008 à M. B…, constitutive d’une option de vente, ne pouvait correspondre à un complément de prix imposable en tant que traitement et salaire aux motifs suivants:
- elle ne conduisait à aucun effet d’alignement entre l’investissement professionnel de M. B… et le gain éventuel pouvant être tiré ultérieurement de l’exercice de cette promesse.
- elle ne contribuait pas davantage, par elle-même, à inciter M. B… à demeurer dans la société Mécatherm dès lors que cette option pouvait être exercée même s’il avait entretemps quitté ses fonctions.
- la promesse était intervenue en raison d’un désaccord entre les actionnaires de la holding quant à la manifestation d’intérêt formulée par une société tierce pour la société A et, en outre, le prix minimum de rachat ne garantissait pas un gain futur.
Conclusion
On se rappelle que dans deux affaires récentes du 13 juillet 2021 (CE, 13 juill. 2021, n° 437498 et n° 435452), le Conseil d’Etat avait considéré que l’avantage résultant d’options d’achat d’actions et de bons de souscription d’actions acquis ou souscrits à un prix préférentiel par rapport à leur valeur réelle lors de l’acquisition ou de la souscription, présentait la nature d’un complément de salaire lorsqu’il trouvait essentiellement sa source dans sa fonction de dirigeant.
Si tel devait être le cas pour le gain d’acquisition, cela ne doit pas être automatiquement le cas pour l’imposition du gain de cession, qui doit être imposé en principe en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières.
C’est ce que confirme le Conseil d’Etat dans la présente affaire du 5 juin 2023… sauf si là encore, les conditions de réalisation du gain de cession révèlent que cette plus-value doive être regardée comme la contrepartie des fonctions salariées.
Dans ce cas, le gain doit être rattaché à la catégorie des traitements et salaires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.