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La question de la régulation de la finance décentralisée (ou « DeFi ») est un sujet majeur pour l’écosystème du Web3. En effet, de nombreuses incertitude existent à ce jour et pèsent sur les entrepreneurs du secteur des cryptoactifs.
La question de la régulation de la DeFi est un sujet si épineux qu’il a été décidé à l’échelle européenne de prendre le temps de la réflexion pour établir un cadre juridique adapté à cette question.
C’est ainsi que lors de l’élaboration et le vote des Règlements MiCA et TFR, il a été décidé de ne pas réguler à ce stade la DeFi ainsi que les jetons non fongibles ou « NFT ». Une régulation adaptée sera proposée à un stade ultérieur après consultation.
C’est dans ce cadre que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a esquissé le 19 juin 2023 ses premières réflexions concernant les défis réglementaires qui émergent avec l’avènement de la finance décentralisée.
A ce titre, l’AMF encourage les intervenants à soumettre leurs réflexions jusqu’au 30 septembre 2023 afin d’enrichir les délibérations en cours au niveau européen et mondial.
Table des matières
ToggleEclairage sur la DeFi
Encore peu familière au grand public, la DeFi n’en est qu’à ses balbutiements. En s’appuyant sur la technologie des registres partagés et l’emploi de crypto-actifs, l’AMF observe très justement que la DeFi se présente comme une « alternative » aux systèmes financiers traditionnels, prônant une approche autonome, décentralisée, et sans intermédiaires, où l’intervention humaine peut être supprimée.
A ce titre, le système financier traditionnel, qui s’appuie sur des « tiers vérificateurs humains », comme les banques, les courtiers, les commissaires aux comptes, etc. devrait être profondément bouleversé dans les années à venir. En effet, dans la mesure où la finance décentralisée permet de supprimer ces tiers vérificateurs, deux avantages majeurs devraient en découler: (i) améliorer la rapidité des échanges et des transactions et (ii) réaliser des économies d’échelles importantes en supprimant ces métiers.
L’AMF rappelle qu’avec l’effondrement de l’écosystème Terra-Luna en mai 2022, la DeFi, qui connaissait une croissance florissante, a été projetée sur le devant de la scène, soulevant des questions sur la maturité et la fiabilité de certains de ses protocoles.
Cependant, l’effondrement progressif de l’écosystème Terra-Luna est selon nous plutôt dû aux faiblesses du fonctionnement algorithmique du stablecoin UST et des liquidations et retraits massifs qui en ont découlé, qu’à la DeFi en tant que tel.
Contenu du document
Ce document de réflexion de l’AMF a pour objet de définir les concepts spécifiques de l’univers de la DeFi (blockchains, smart contracts, les protocoles d’échanges décentralisés etc.). Il dresse un tableau des tendances actuelles du marché et identifie différents types de risques, tels que les risques de liquidité, de valorisation, de manipulation de prix, de variations de valeur, d’effet de levier, etc. De plus, il examine les questions de gouvernance que soulèvent ces nouveaux modèles qui permettent aux utilisateurs de s’impliquer activement dans la gestion des protocoles via interactions blockchain.
Ainsi, ce document met en exergue des sujets de discussion qui pourraient alimenter les futurs débats réglementaires.
Une approche mesurée à saluer mais à améliorer
L’AMF préconise une démarche graduelle et mesurée, adhérant au principe « activité identique, risque identique, réglementation identique », en établissant un cadre réglementaire taillé sur mesure pour la DeFi.
Si l’approche « accueillante » de l’AMF est à souligner et saluer, une régulation fondée sur le principe « activité identique, risque identique » est assez décriée par les acteurs de l’écosystème des cryptomonnaies.
En effet, il ne faudrait pas que ces principes conduisent à transposer la réglementation applicable à la finance traditionnelle à la finance décentralisée. Une telle approche porterait une atteinte très importante à l’innovation et au développement du secteur. Quelle serait la pertinence d’appliquer une réglementation fondée sur des intermédiaires comme les banques à une technologie fondée sur une désintermédiation ?
Bien entendu, l’AMF rappelle que sa démarche doit aussi être orchestrée au niveau international, étant donné la nature sans frontières des activités de DeFi, afin de promouvoir un marché juste, innovant et protecteur pour les investisseurs.
A ce titre, l’AMF s’associera à la Commission européenne, l’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV), et au Conseil de stabilité financière (FSB) pour déterminer les enjeux réglementaires de la DeFi.
Nous ne pourrons que suivre avec attention les conclusions de ces échanges pour déterminer si elles conduisent à établir un « cadre réglementaire équilibré » comme le souhaite l’AMF.
Au regard des questions soulevées dans ce papier, les acteurs sont invités à apporter leur contribution à la réflexion – sous format libre – avant le 30 septembre 2023 à l’adresse innovation@amf-france.org.